Le manque d’eau qui
déstabilise tout et inquiète
Par Abner Septembre, Sociologue
Pendant que la crise politique prend de l’ampleur
dans la plupart de nos villes, et affaiblit tout le pays sur le plan économique
et touristique, il y a un drame majeur qui menace la vie dans nos
campagnes. C’est le manque d’eau, comme
si on était en 1944, en train de vivre la même situation qui faisait dire à Delira,
dans « Gouverneur de la rosée » :
« nous mourrons tous : les bêtes, les plantes ». Le cas de Grand Bois (Cornillon) qui retient en
particulier l’attention est pourtant le lot de plusieurs autres communautés
rurales de montagne en Haïti, victimes en gros d’injustice et de
marginalisation.
Durant les 4 derniers mois, soit de novembre 2018
à février 2019, il y avait environ 3 pluies mineures. Les sources en altitude sont très peu
alimentées, en particulier à cause du déboisement qui réduit l’infiltration.
Certaines sources sont taries et d’autres ne fournissent que quelques gouttes. Les familles se plaignent de rareté
d’eau. Il faut couvrir plusieurs
kilomètres et attendre longtemps avant de pouvoir remplir son récipient. Certains jours, il faut se résigner à rentrer
sans eau à la maison. Cela impacte le
quotidien (perte de temps et fatigue),
affecte le moral (impatience et
énervement qui dégénèrent parfois en engueulade et bousculade, voire en
conflits familiaux), limite certaines fonctions (préparer à manger, se laver, nettoyer, abreuver les animaux, planter ou
sauver ses plantes, transformer, etc.).
On est en plein dans la saison de plantation. L’agriculteur
ne sait pas s’il doit prendre le risque de planter ou attendre encore. Plusieurs espaces sont piqués sur les pentes et
attendent la première pluie pour être plantés.
Les années se succèdent, mais ne se ressemblent pas. En agriculture pluviale, la régularité des
saisons est royale. Pourtant, le
dérèglement climatique change tout. Le
petit exploitant n’a plus de repères et n’a pas non plus les moyens de
s’adapter tout seul. Face à une telle situation,
si les autorités ne vont pas à la montagne, c’est la montagne qui assiègera brutalement
les villes, avec son cortège de gens affamés, avec ses alluvions charriées par
la crue des eaux impétueuses, auxquelles rien ne pourrait résister. Alors, quelles
solutions a-t-on à cette pénurie d’eau dans nos montagnes ?
Plusieurs solutions bien connues peuvent être
citées, pour lesquelles il faut en effet des investissements. Ici, nous insistons en particulier sur ces
3 recours :
Ø la construction d’impluvium de grande
capacité, de lac artificiel utilisant des tapis comme moyen de rétention, là où
le sol n’est pas argileux, et la technologie du bélier hydraulique à haute
altitude qui permet de monter l’eau à plus de 500 mètres ;
Ø l’application de la formule R3PA3
dans une démarche d’entreprenariat agricole collectif mixte, pour la gestion
participative et intégrée des bassins versants. Cette formule signifie
remembrement, restauration et revalorisation du patrimoine agraire, agricole et
alimentaire. Le collectif mixte réfère aux propriétaires terriens ayant des
terrains limitrophes, et aux investisseurs (publics,
privés) qui seront mobilisés pour financer les intrants, les équipements et
les installations de production au niveau primaire et secondaire (ce n’est pas facile, mais non plus
impossible) ;
Ø la formation et le rôle tant incitatif que
coercitif de l’État.
L’eau est indispensable aux êtres vivants :
les humains, les animaux, les plantes et autres corps animés qui remplissent
aussi des fonctions vitales. C’est un
devoir public que de garantir aux citoyens l’accès à l’eau potable et à l’eau
pour les besoins domestiques et les activités de production.
Abner Septembre, Sociologue
Centre Banyen, Vallue, 10 mars 2019.
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