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Jardin Labo
Bulletin No 19 / 15 juin 2019
Le Jardin
Labo Solivermont (JLS) est l’un des quatre organes constitutifs du Centre Banyen
pour une Agriculture Intelligente et le Tourisme (CBAIT). Il sert de lieu d’expérimentation, de
démonstration et de transfert de connaissances basées sur l’innovation, en
particulier pour la promotion du jardin garde-manger. Le Solivermont réfère à l’abondance de fruits et de légumes, en terroir de
montagne, qui découlera d’un tel jardin à vocation totalement organique. Conçu
comme une réponse alternative, sur petit espace,le jardin garde-manger ambitionne
d’être un modèle plus productif et rentable que le jardin traditionnel du
paysan, plus économe en énergie et en travail, plus respectueux de
l’environnement, tout en étant capable d’offrir des produits compétitifs.
L’histoire d’une légumineuse :
une expérience en partage
1.
Bref coup
d’œil sur les légumineuses
2016 a été l’année internationale
des légumineuses. C’est un type de
cultures récoltées dans le seul but
d’obtenir des grains secs, à la fois pour la consommation et le
semis. Par exemple, les haricots secs et
le pois (haricots rouges, haricots de
Lima, haricots beurre, pois d’Angole)
sont parmi les types de légumineuses les plus connus et les plus consommés en
Haïti.
La culture de légumineuses a une
grande importance pour la santé. Car, les
légumineuses sont riches en nutriments et ont une teneur élevée en protéines.
Elles ont une faible teneur en matières grasses et une forte teneur en fibres
solubles. Elles peuvent ainsi contribuer à faire baisser le cholestérol et à
contrôler la glycémie, voire à lutter contre l'obésité.
De plus, à côté de leur valeur alimentaire
et économique, les légumineuses ont des propriétés fixatrices d’azote et de
mobilisation du phosphore contenu dans le sol.
Ce qui accroit la fertilité des terres agricoles, permet d’améliorer et
de renforcer leur productivité. Elles
contribuent aussi à atténuer les effets du changement climatique, par la
réduction des besoins en engrais synthétiques qui, au cours de la fabrication
et de l’utilisation, libèrent des gaz à effet de serre. Insérées dans les cultures intercalaires et
les cultures de couverture, les légumineuses contribuent aussi à lutter contre les
parasites et les maladies nuisibles [résumé
d’un article de la FAO, 2016, internet].
2.
On dit que
le hasard fait parfois bien les choses.
Au Jardin Labo du Centre Banyen,
ce proverbe prend tout son sens dans le cas particulier de ce haricot baptisé
« Haricot banyen ». En novembre 2017, j’ai décidé de rendre les clés à
Port-au-Prince pour venir m’installer en sédentaire à Vallue, démarrer une
nouvelle expérience dont l’ambition est de proposer aux familles en général et
aux jeunes en particulier des réponses innovantes, face aux défis et limites de
leur agriculture. En janvier 2018, je me suis lancé, sur mon terrain à Branchiwo,
dans l’horticulture sous serre et de plein air à travers ce que j’appelle le
« jardin garde-manger ».
J’ai fait chercher deux arbustes que j’avais dans un autre terrain et les ai mis
dans deux seaux remplis de terre enrichie. Après un certain temps, un pied de
haricot a poussé par hasard dans l’un des seaux et s’est mis peu à peu à
grimper sur la plante. Je lui ai donné un autre support pour faciliter son
ascension. La récolte était extraordinaire.
Ensuite, j’ai fait
sécher au soleil les semences récoltées et planté 50 % dans un espace de 120 m2,
à l’intérieur de la serre. La récolte était là aussi extraordinaire, soit 5
fois plus que les meilleures récoltes dans les jardins des paysans. Une partie des semences de cette deuxième
récolte a été plantée dans le jardin garde-manger agro-forestier (JGMAF), une
parcelle de 10/100 de carreau de terre.
Malheureusement, les poules en liberté ont mangé les premières feuilles
dès leur apparition. J’ai fait une
nouvelle plantation au JGMAF, en prenant des mesures de protection. Ensuite, j’ai utilisé une partie dans un
autre jardin non aménagé et non enrichi, faisant à peu près la même taille. Parallèlement, a poussé au jardin
garde-manger agri-paysager (JGMAP) un pied de haricot dont la semence y était
tombée aussi par hasard, pendant le séchage des semences récoltées de la serre.
La vigueur de la plante a attiré mon attention.
Tout de suite, j’ai fait placer à côté d’elle une tige sur laquelle elle
a grimpé.
Ainsi, le Jardin
Labo a travaillé, de février à mai 2019, à la fois sur 3 expériences : i) un
pied de haricot au JGMAP où les conditions de production sont optimales, ii) une
plantation au JGMAF où les conditions sont moyennes et iii) une plantation dans
un espace où les conditions sont plutôt minimales, comparables à celles dans
lesquelles les paysans en général produisent. Comme on pouvait s’y
attendre, les résultats sont différents
dans les 3 cas. Au JGMAP, le pied de
haricot a produit plus de 130 gousses.
Au JGMAF, la performance par pied de haricot est en moyenne de 40
gousses. Alors que, dans l’autre espace
non aménagé et non enrichi, la performance ne dépassait pas les 15
gousses. Ce qui montre que le patrimoine
agraire garde encore son potentiel. Mais,
pour augmenter la productivité, il faut agir sur les conditions de
production. Le paysan ne peut pas y
arriver seul. Il a donc besoin
d’encadrement.
C’est ici que
l’État et l’université en Haïti brillent par leur absence auprès de
l’agriculteur. C’est aussi pour cette
raison qu’on peut dire que les agronomes font tout, sauf exercer leur métier
pour permettre au pays de nourrir sa population. Le Centre Banyen est allé rencontrer des
doyens d’universités, a fait des propositions de stage pour étudiants, qui sont
restées jusqu’ici sans suite (même pas de contre-propositions). Le Centre Banyen se propose maintenant d’aller
vers d’autres acteurs pour négocier des alliances stratégiques, afin de
renforcer ses expérimentations, d’améliorer ses résultats jusqu’ici très
encourageants et de les mettre au service de l’agriculteur pour lui permettre
de s’adapter aux effets du changement climatique sur leur production, de
vaincre l’insécurité alimentaire et, qui sait, de faire démarrer à Vallue la
révolution économique verte en milieu rural de montagne en Haïti : faire plus et mieux avec
moins, objectif 13 des ODD.
3. Conclusion
Le hasard fait bien les
choses. En plus de travailler sur un
patrimoine semencier pour la zone, le Centre Banyen va continuer à expérimenter
les conditions dans lesquelles cette variété de haricot baptisé « Haricot
banyen » pourra donner le maximum de rendement. Ce qui lui permettra d’élaborer une fiche
technique et de prodiguer des conseils.
C’est ici un résultat qui cadre bien avec sa vocation, en termes
d’expérimentation et d’innovation, mais aussi en tant qu’espace de
vulgarisation, de transfert de connaissances et de compétences.
Abner Septembre
Centre Banyen @ Vallue, 15 juin 2019
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