Ce qui manque
aujourd’hui à Haïti ?
Abner Septembre, Sociologue
Le problème d’Haïti est apparemment bien connu,
pour avoir été analysé ou débattu sous plusieurs angles (politique, social, économique, historique, naturel, environnemental, géographique,
stratégique, artistique, culturel, psychologique, organisationnel, managérial, diplomatique,
scientifique, technologique, etc.), par plusieurs acteurs, à différents
niveaux national et international. Que
d’opinions émises sur les ondes de la radio, à la télé, dans les journaux, sur
les réseaux sociaux, par internet, dans les groupes et cercles d’amis, par des
experts, des intellectuels et de simples citoyens. Que de missions d’experts, de
fora, de colloques, de retraites, de réflexions, de diagnostics, de recherches,
d’études, de rapports, de publications sous différentes formes, qui alimentent
les dirigeants et la société en information et en recommandations, les unes plus
pertinentes ou plus réalistes que les autres, sans oublier les cas d’ingérence
et de diktat. On vient avec de nouveaux
arguments comme le dialogue national, tout en prenant la tangent. On semble se
mettre d’accord sur la nécessité, mais on multiplie des formulations de
chapelle. Chacun se cantonne derrière son
bébé et fait des dilatoires. On fait
semblant de ne pas reconnaître et admettre qu’un pays est une réalité à
géométrie variable, et que seul un consensus autour de l’intérêt national peut
aider à bouger. Pour cause, le temps
passe, rien n’a vraiment changé et le pays est au bord du gouffre.
C’est le moment de faire une pause, à la fois pour
bien choisir et surtout pour agir autrement.
C’est ici que l’innovation sociale a toute sa place et son importance :
des actions qui font peau neuve, capables d’aller plus loin pour améliorer la
situation et d’avoir le plus grand impact social ou communautaire. Très souvent,
nous allons chercher loin des réponses.
Nous méprisons ce qui nous entoure ou ne donnons pas le bras aux petites
actions porteuses qui existent bien. Or,
les bonnes réponses sont parfois ou souvent à proximité, et nous enseignent aussi
qu’elles commencent par de petites choses : « small is beautiful ». A
trop vouloir aller vite et ressembler aux autres, nous nous laissons tenter par
de grandes choses qui exigent tout un environnement qui pourtant n’est pas encore
disponible. Au contraire, les petites
choses non seulement sont plus accessibles et plus facilement contrôlables,
mais aussi pourraient aider à construire petit à petit de grandes choses et à
en acquérir la maîtrise. C’est
comme une route qu’on construit à bras humains. On avance à petits coups pour
frayer un passage pour les 4 roues motrices, avant de recourir à des moyens
sophistiqués et couteux comme des engins lourds. On a besoin d’un nouveau paradigme, supporté
par un autre écosystème de gouvernance, incluant entre autres un cadre légal dynamique
qui normalise et protège, des instruments financiers appropriés, une formation d’appoint
et l’assistance technique sur mesure, des facilités indispensables pour faire
évoluer progressivement les petites actions, etc.
Il faut mettre le pays en chantier et la somme des
petites actions non seulement créera un nouvel esprit et élan, mais aussi servira
de levier à l’émergence d’un cercle vertueux qui permettra d’optimiser les
résultats. Mieux vaut avoir mille petites entreprises créant 3,000 emplois, au
lieu d’en avoir cinquante grandes qui génèrent des milliards de dollars, et peu
de retombées sociales. L’histoire de
nombreux pays montrent que les petites et moyennes entreprises sont le moteur
de leur économie. Celles-ci sont aussi à
même de provoquer une plus grande redistribution de la richesse, un climat
d’apaisement social et de stabilité politique, une plus grande confiance en soi,
un plus grand esprit d’appartenance, et un développement durable et équitable à
moyen et long terme. Les petites actions
ne concernent pas que l’entreprenariat ou la production au sens large. Ça peut être aussi dans le domaine de la
corruption, de la bonne gouvernance, de l’accès aux services et dans d’autres
thématiques.
Il faut prendre action et bien faire. L’action s’entend ici en termes de résultats
qui aident à progresser. Mais, l’action
ne détruit en rien ou n’élimine pas les exercices de l’esprit. Elle leur sert plutôt de support concret et
contextuel, de manière à les rendre plus pragmatiques, réalistes et utiles en
retour à son implémentation pour produire de meilleurs résultats. Cette interaction
et itération situent les idées et l’action dans un cadre fondamental et
appliqué, capable de faire décoller et évoluer la société. C’est cette synergie qui, entre autres,
manque et qu’il faut à tout prix appuyer pour sortir le pays du gouffre.
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