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Info Jardin Labo
Bulletin No 15 / Février 2019
Le Jardin Labo Solivermont (JLS) est l’un des quatre organes constitutifs du Centre Banyen pour une Agriculture Intelligente et le Tourisme (CBAIT).  Il sert de lieu d’expérimentation, de démonstration et de transfert de connaissances basées sur l’innovation, en particulier pour la promotion du jardin garde-manger.  Le Solivermont réfère à l’abondance de fruits et de légumes, en terroir de montagne, qui découlera d’un tel jardin à vocation totalement organique. Conçu comme une réponse alternative, sur petit espace, le jardin garde-manger ambitionne d’être un modèle plus productif et rentable que le jardin traditionnel du paysan, plus économe en énergie et en travail, plus respectueux de l’environnement, tout en étant capable d’offrir des produits compétitifs.

Le poumon vert ou réserve agro-forestière de Vallue
Comme ailleurs en milieu rural en Haïti, quand l’agriculture de montagne était florissante, il se pratiquait aussi à Vallue l’agroforesterie.  Jusqu’au début des années 80, Vallue possédait une agriculture basée sur un couvert végétal très dense.  La production était principalement le café, la canne à sucre, la banane, les fruitiers (manguiers, corossoliers, avocatiers, véritable, agrumes), des lianes (grenadine, mirliton), des tubercules et des racines (ignames, taros, patates, manioc), des céréales (pois, maïs, millet), etc.  Tout cela était accompagné de l’élevage de petits bétails (caprin, porcin, volailles) et de gros bétails (bovin, animaux de transport).  Avec le temps et pour des raisons multiples, d’ordre biotique et abiotique, cette réalité agro-forestière impressionnante s’est peu à peu modifiée.  Elle se réduit aujourd’hui en quelques poches que nous appelons « le poumon vert ou réserve agro-forestière de Vallue[1] ».  

1.        Sources du problème
A Vallue, les terres appartiennent aux paysans à 99 %, le reste étant la propriété d’anciens absentéistes qui adoptent comme mode de faire valoir : i) le « pòtèk » (paiement annuel) et ii) le « fèm » (paiement d’un trait sur une durée définie).  Il y a aussi le « de-moitié » qui consiste à céder l’exploitation d’un terrain à quelqu’un qui, à la récolte, partage les résultats à part égale avec le propriétaire.  Ces 3 modes de faire valoir indirect sont l’une des causes directes de la dégradation des terres, tant par la surexploitation (absence de jachère) et la coupe abusive d’arbres (dans l’esprit de profiter au maximum de son bail), que par l’élevage et une exploitation non protégée des terres (absence de conservation des sols et de reboisement), etc. Cette situation est aussi celle des propriétaires qui mettent directement en valeur leur terre. 

Un autre facteur défavorable est la division successorale qui débouche sur l’émiettement progressif du patrimoine familial.  Ce qui conduit avec le temps à des parcelles qui sont travaillées sans jachère, sans protection et sans enrichissement ou amendement.  Cette surexploitation des terres est liée à une autre variable.  Il s’agit de la pression des besoins d’argent pour faire face au nouvel impératif du temps moderne, comme par exemple : envoyer les enfants à l’école, aller prendre des soins dans un centre ou une clinique, acheter et utiliser un téléphone, prendre un taxi moto, rebâtir sa maison affectée par les cyclones répétitifs et le tremblement de terre de 2010, financer le voyage d’un enfant, etc.  Tout cela demande à avoir de l’argent. En l’absence de services publics, tout tombe sur les épaules du paysan.   Ce qui aboutit à la coupe abusive d’arbres, à la diminution chaque année des rendements, à la vente de sa propriété et à l’exode d’une partie de la main-d’œuvre : les jeunes.  
Cette migration a causé peu à peu un manque de bras et tend à faire grimper aujourd’hui le prix d’un combite.  Comme paradoxe de conséquence, certains espaces sont restés de manière involontaire en jachère. Ce qui est par ailleurs une bonne chose pour la fertilité des terres sur les pentes.

2.        Réserve agro-forestière
Le poumon vert de Vallue est constitué de trois types d’espaces qui forment sa réserve agro-forestière. On parle ici de réserve pour signifier ce qui reste d’une réalité qui existait à Vallue jusque vers les années 70, caractérisée par une couverture végétale plus ou moins dense avec ou sans activités agricoles.  On en parle aussi ici dans une triple perspective de préservation, de renforcement et de sanctuarisation de ces espaces témoins.  Notre objet a donc très peu à voir avec le concept réserve naturelle, qui se définit comme un « territoire délimité et réglementé pour la sauvegarde de l’ensemble des espèces végétales et animales qui y ont élu domicile (réserve intégrale), ou de certaines d’entre elles (réserve botanique, réserve ornithologique) ».

En dehors d’activités agricoles, les paysans appellent cet espace « rak », un endroit bien couvert, intouchable ou inaccessible, que nous assimilons à une sorte de réserve botanique.  Il y a plusieurs de ces micro-espaces à Vallue.   Ce sont des lieux témoins de ce qui existait autrefois qui s’étendait sur de grands espaces.  Ils étaient peuplés de plantes natives (arbrisseaux, arbustes, arbres) qui servaient et servent encore d’habitat naturel, de lieu de ponte, de perchoir pour certaines espèces animales (oiseaux, volailles, chauve-souris).  Ils n’étaient pas travaillés, d’abord à cause de la très forte déclivité des pentes.  Le contact avec ces espaces sauvages était en particulier pour prélever de l’herbe pour recouvrir la toiture de maison, pour la chasse, la collecte d’œufs de pintade et la recherche de feuilles médicinales rares.   

A cause de la croissance démographique et du phénomène de division successorale, ces espaces sont peu à peu mis partiellement en valeur.  Ils sont rongés chaque année, lors de la préparation des terres avoisinantes, pour la production agricole et aussi pour l’élevage caprin. Ce qui en reste aujourd’hui à l’état vierge l’est en grande partie, grâce à la croyance qu’ils sont habités par des esprits : « rak sa a sèvi ». Parfois, on y trouve des objets et/ou des restes d’aliments renforçant la croyance sur la vocation du lieu.  Ces réserves botaniques sont en général des espaces isolés, voire insolites au sein de vaste étendue plutôt déboisée.
Il faut différencier ces ilots de verdure des espaces domestiques bien couverts qui constituent aussi des unités insolites au sein d’une vaste étendue déboisée.  Des arbres touffus forment un cordon de sécurité pour les maisons, en particulier contre les rafales de vent.  Ce système de protection naturelle est appelé « rempart » par les paysans. Il s’agit en fait de micro-espaces agro-forestiers, dans la mesure où il existe un écosystème composé d’une végétation ligneuse associée à des cultures pour les besoins alimentaires et économiques.  Selon Yves Birot : « On peut définir l’agroforesterie comme la pratique de l’intégration délibérée d’une végétation ligneuse dans des systèmes de production végétale ou animale, pour bénéficier au plan économique et environnemental des interactions résultant de cette combinaison. »

Cette définition s’accorde encore mieux avec un troisième espace plus important en superficie, que nous qualifions dans le cas de Vallue de « réserve agro-forestière».  Si les micro-espaces agro-forestiers sont éparpillés à Vallue et se trouvent plus particulièrement dans les espaces déboisés plus au sud, au sud-est et à l’ouest, entre 850 et 1 100 mètres d’altitude, les réserves agro-forestières de Vallue se trouvent plus au nord, entre 650 et 850 mètres d’altitude.  Elles peuvent être réparties en deux zones, totalisant environ 40 % du territoire de Vallue :
a.        Zone 1 : de Nan Banyen à Malfini, tout en incluant Nan Figue, soit une superficie de 4 km2.  Ce corridor vert est entrecoupé de courts espaces déboisés ;
b.        Zone 2 : De Nan Zamor à Platonpatat, en passant par Tiplas et Granplas, soit un espace de 3 km2, avec aussi quelques éclaircies ;
Il s’agit de vastes espaces dotés d’une végétation ligneuse couplée avec des cultures destinées à la consommation domestique et à la vente.  Ces espaces sont constitués au moins à 80 % de variétés natives de toutes sortes, certaines assez géantes qui témoignent de leur ancienneté. 

 Si le café n’y est pas présente comme auparavant, il n’en demeure pas moins que beaucoup d’espèces qui lui servaient d’ombre ou qui formaient son écologie sont encore présentes, comme : le manguier, le pine, le bois rouge, le mombin, le mapou, l’amandier, la trompette, le sucrin, le gommier, les agrumes et bien d’autres arbres ainsi que les cultures de banane, de taro, d’igname, de manioc.  Ce sont aussi des espaces entrecoupés d’éclaircies servant en partie aux pâturages de petits et de gros bétails.  Lors de ma récente visite dans la zone, il y avait un paysan qui se plaignait des cabris qui attaquaient son jardin de manioc. 

3.        Mesures envisagées
Il s’agit donc de zones à sanctuariser, mais aussi et surtout à renforcer dans cette démarche agro-forestière, malgré le défi de la démographie.  Autrement dit, les actions se feront tant pour refermer les éclaircies que pour agrandir ou élargir ce corridor, tout en restaurant et en valorisant les terres dégradées dans le voisinage.  Des actions intelligentes seront initiées, axées sur la formule R3PA3, qui signifie : Remembrement, Restauration et Revalorisation du Patrimoine Agraire, Agricole et Alimentaire.

C’est là qu’intervient le second volet du mandat du Centre Banyen.  Le défi associé à ce mandat est : « lever les verrous et faire émerger un partenariat équitable et durable entre propriétaires terriens et investisseurs, conçu comme levier pour optimiser la productivité et la rentabilité, grâce à une pratique moderne et agro-écologique qui minimise la pression sur l’environnement ».  Ce type d’entreprenariat agricole collectif servira de tremplin pour la gestion intégrée des bassins versants, et fonctionnera selon les fondamentaux de l’économie sociale et solidaire.

De nos jours, on constate l’émergence d’expériences innovantes en agriculture un peu partout dans le monde.  Grâce à l’esprit inventif, à la fois en réponse à certaines contraintes et en quête de meilleur résultat, des espaces autres que le sol directement sont utilisés pour cultiver à petite échelle des plantes. Il y a plusieurs creusets comme, par exemple, des pots, des paniers et des bouteilles, du matériel neuf ou recyclé, ou encore des bacs, etc.  Des techniques, allant du simple au complexe, sont utilisées en fonction des besoins et des moyens de l’utilisateur.


Le bac à légumes
De nos jours, on constate l’émergence d’expériences innovantes en agriculture un peu partout dans le monde.  Grâce à l’esprit inventif, à la fois en réponse à certaines contraintes et en quête de meilleur résultat, des espaces autres que le sol directement sont utilisés pour cultiver à petite échelle des plantes. Il y a plusieurs creusets comme, par exemple, des pots, des paniers et des bouteilles, du matériel neuf ou recyclé, ou encore des bacs, etc.  Des techniques, allant du simple au complexe, sont utilisées en fonction des besoins et des moyens de l’utilisateur.

Qu’est-ce qu’un bac à légumes ?
Le bac à légumes est un matériel destiné à une production pour la consommation personnelle ou familiale.  Sa dimension varie selon l’espace réservé à son installation et le pouvoir d’achat de l’utilisateur.  Il peut être déposé directement sur le sol ou sur une autre surface.  Il peut être monté sur pilotis et sur mesure, selon la personne qui va l’utiliser. 

Dans un bac à légumes, on utilise en particulier de l’engrais vert (terreau, compost, fumier).   Un deuxième élément essentiel est l’eau, sans toutefois en avoir besoin en grande quantité.  Un troisième élément est l’exposition du bac au soleil.  Les plantes ont besoin de soleil pour la photosynthèse, la croissance et la maturation. Un quatrième élément important est la vigilance et le soin à apporter aux plantes pour prévenir ou contrôler toute attaque d’insectes et/ou tout envahissement par des parasites.  

Importance du bac à légumes
Vous habitez en ville.  Vous n’avez pas assez d’espace pour avoir un petit jardin à la maison, je dirais votre jardin garde-manger.  Tout n’est pas perdu.  Vous pouvez pratiquer dans un bac  l’horticulture légumière, floricole, médicinale et/ou aromatique. 

L’importance d’un tel choix est énorme. Tout d’abord, il vous donne la possibilité d’avoir un contact personnalisé avec les plantes, de comprendre mieux leur fonctionnement, de les voir grandir, de consommer ou utiliser des produits non anonymes, frais, sains et sans risque pour votre santé. 

Les expérimentations faites dans les bacs au Jardin Labo ont donné des résultats impressionnants.  Imaginez un instant que 40 % des familles dans nos villes pratiquent, dans un bac occupant peu d’espace sur leur galerie ou leur cour, l’horticulture légumière, floricole, médicinale ou aromatique. Ce sera un mouvement impressionnant qui fera chuter tant nos dépenses que notre dépendance vis-à-vis du marché et, par conséquent, la fuite de devises vers l’étranger et la dépendance alimentaire du pays.  Ce qui nous rapprochera davantage de la nature et nous donnera des sujets de conversation plus enrichissants. 

En outre, on peut parler de la vertu thérapeutique de cette pratique.  En l’incluant dans nos activités de loisirs, notre passe-temps, elle est susceptible d’améliorer notre humeur, de réduire le stress ou le risque de dépression. Et, pour beaucoup d’entre nous, dont les ancêtres ont été, à un moment ou à un autre, des gens de la terre, un bac à légumes est une manière de faire un retour à nos origines.  C’est aussi un investissement durable, un matériel que vous pouvez aussi changer de place à volonté.

Comment avoir un bac à légumes et plus ?
Le Centre Banyen vous offre la possibilité d’avoir un bac à légumes, pour faire pousser chez vous vos légumes préférés et autres.  Il propose en outre ces services : formations modulaires, conseils pratiques, engrais vert et semences de qualité ou plantules pour une exploitation optimale de votre bac à légumes.  Pour commander, utilisez l’adresse ci-dessous.


[1] Vallue est une communauté de la 12e section des Fourques de Petit-Goâve, ayant ses frontières avec 3 autres sections dont  11e section Ravine sèche de Petit-Goâve, 1e et 2e sections Tête à Bœuf de Grand-Goâve.

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